Le but de la chirurgie du ligament croisé antérieur est de restaurer la stabilité et la fonction du genou pour permettre de reprendre l’activité sportive au même niveau. Nous verrons par la suite qu’il n’est pas évident de donner des délais tant que l’on ne connaît pas exactement de quel sport il s’agit, sport à pivot, pivot contact, sport dans l’axe, sports de loisir, de compétition voire de haut niveau.
L’indication chirurgicale se pose sur des patients dont le sport est un véritable enjeu. Il s’agit de sport à pivot voire de pivot contact qui vont nécessiter une stabilité parfaite du genou. Le traitement chirurgical sera donc effectué sur des patients motivés car les suites post-opératoires sont relativement longues et les délais de reprise de compétition sont en moyenne de six à huit mois.
La phase post-opératoire précoce à pour objectif de lutter contre les troubles trophiques. Il faudra lever la sidération quadricipitale et respecter le site de prélèvement du transplant. Par la suite, la priorité est de récupérer la mobilité du genou et notamment se focaliser essentiellement sur l’extension qui ne doit pas dépasser 0°. Il faudra limiter la flexion à 60° la première semaine et à 90° le premier mois. En sachant que les 120° doivent être atteints dans les six semaines. Généralement la flexion n’est pas trop un problème, il faut récupérer l’extension en priorité.
Le but de ce deuxième mois est de récupérer l’extension sans toutefois dépasser 0°. De ce fait, les massages cicatriciels et péri-rotuliens seront intensifiés, ce qui permet de libérer la rotule et d’améliorer la mobilité articulaire. Dans un même temps, il faudra récupérer les amplitudes articulaires en décharge pour arriver progressivement à 120°. Dans le cas où l’extension n’est pas récupérée, il faut intensifier les auto-postures passives notamment lors du glaçage pluriquotidien si le genou est toujours un peu gonflé. Le travail de récupération qui a été fait lors du premier mois de lever la sidération quadricipitale doit permettre de débuter le travail en chaine fermée, c’est à dire le travail à la presse ou manuel (travail de la chaise). Un travail en charge peut être débuté en électrostimulation avec une flexion jusqu’à 60° avec l’électrostimulateur.
Le travail sur les ischios-jambiers peut être intensifié en l’absence de douleur, notamment en chaine ouverte avec une prépondérance sur le travail excentrique par rapport au travail concentrique. Les rotateurs seront également travaillés. La proprioception peut être débutée de façon très progressive en fonction de l’état du genou. En aucune manière ce travail ne doit entraîner un gonflement du genou. Dans le cas contraire, il faudra arrêter la proprioception et le travail en charge. Dans le même temps, il faudra perfectionner le schéma de marche de manière à avoir une marche relativement fluide et en fonction de la mobilité articulaire, commencer le travail de descente d’escalier.
L’objectif de ce deuxième mois est d’obtenir un genou sec et le moins chaud possible avec des amplitudes articulaires entre 0 et 120°. La marche doit être fluide et sans douleur avec un bon contrôle musculaire et une vie quotidienne quasi-normale, ce qui correspond en règle générale à une reprise de travail (pour les postes sédentaires).
En cas de gonflement ou de douleur, il faudra ralentir le travail et dans le cas d’une difficulté de récupération des amplitudes articulaires, il faudra contacter le chirurgien.
En fonction de l’état du genou, la natation notamment le crawl en endurance peut être débuté ainsi que le vélo très progressivement par un rodage articulaire (séance de 10 minutes tous les 2 jours avec une intensité vraiment modérée).
La récupération rapide de l’extension peut être obtenue par des auto-postures passives, notamment lors du glaçage pluriquotidien mais également répétées toutes les heures en pro-cubitus les genoux en dehors du lit. Les étirements en position assise en appuyant le talon sur le sol peuvent aider à la récupération de l’extension.
Le travail de récupération de la sidération quadricipitale se fera par électrostimulation en technique dite « d’écrase coussin » de façon à entraîner une co-contraction quadriceps, ischio et de protéger la plastie.
Les ischios-jambiers ne seront pas travaillé la première semaine mais à partir de la deuxième semaine jusqu’à la sixième semaine. Un travail en excentrique sera envisagé de façon très progressive avec une intensité très faible de manière à participer à la cicatrisation du lieu de prélèvement.
Les étirements seront également effectués à partir de la deuxième semaine de façon très progressive au niveau des ischios-jambiers, sans oublier les jumeaux, soléaires, fascia-lata et moyen fessier. Le moyen fessier, le triceps et le fascia lata seront également renforcés. A partir de la deuxième semaine, dès que le genou à une mobilité entre 0° et 90° avec un quadriceps se contractant, une rééducation à la marche sera effectuée de façon à pouvoir abandonner progressivement les béquilles et l’attelle.
Dans le même temps il faudra effectuer un travail de mobilisation de la rotule de façon à éviter les éventuelles adhérences, travail qui va permettre également d’améliorer la flexion du genou.
Pendant tout ce travail, il convient de surélever les jambes le plus possible, soit au cours des séances de glaçage pluriquotidiennes et surtout la nuit en surélevant les pieds du lit. Par ailleurs, il est recommandé de garder le collant de contention de classe 2 pendant 3 semaines. Le travail en chaine ouverte du quadriceps doit être retardé afin d’éviter les douleurs antérieures liées aux contraintes sur l’articulation fémoro-patellaire et de plus d’éviter une mise en tension trop excessive du transplant.
De même, il faudra avoir un soin particulier au niveau des cicatrices (désinfection, il possible d’utiliser des pansements étanches type Leukomed®T plus) de façon à avoir la possibilité de faire de la rééducation en piscine (balnéothérapie), en cas de problème de mobilité articulaire.
L’objectif de ce premier mois est d’obtenir le verrouillage actif en extension avec un genou le moins gonflé possible et la possibilité de marcher sans canne et sans attelle.
Le but de ce troisième mois est de confirmer les progrès atteints au cours du deuxième mois. Parfois il s’agit d’un mois intermédiaire du fait d’une inflammation résiduelle du genou.
La confirmation nécessite une extension souple avec l’absence de recurvatum. Les objectifs du deuxième mois doivent être atteints, sinon il faut continuer les soins de manière à obtenir un genou avec des amplitudes articulaires entre 0 et 130°. La marche doit être entièrement naturelle et souple et le contrôle musculaire suffisant pour une vie quotidienne normale. Le travail en chaîne fermée sera amplifié soit à la presse soit en manuel. Par exemple, un travail en chaise contre le mur peut être intéressant et effectué tous les jours. Les ischios-jambiers seront travaillés toujours en excentrique puis en concentrique en augmentant légèrement les charges.
Les exercices d’équilibre seront perfectionnés et accentués avec des mouvements de rotation des membres supérieurs pour perfectionner la reprogrammation neuromotrice. La natation sera continuée (le crawl) et le vélo sera intensifié avec des séances de 30 à 40 minutes de vélo par jour avec une augmentation progressive de l’intensité.
Les consignes seront toujours les même quelque soit l’activité (séances de rééducation, musculation manuelle, vélo…) : le genou ne doit être ni douloureux ni gonflé pendant l’activité, durant les deux heures qui suivent l’activité, le soir et le lendemain. Dans le cas contraire, il faudra diminuer l’activité de façon à avoir un genou sec et indolore. Ce troisième mois est souvent une période charnière, il est important dans la suite de la rééducation du genou. Dans le cas où le genou resterait gonflé et douloureux, il faudra ralentir les activités de rééducation tout en continuant un glaçage pluriquotidien. En l’absence d’amélioration il faudra consulter le chirurgien.
Ce troisième mois est préparatoire à la reprise de la course à pied et à la musculation.
En arrivant au 4ème mois le sportif a passé la période de faible résistance mécanique de la plastie qui se situe entre le 2ème et le 4ème mois.
La mobilité articulaire doit être normale et quasi comparable avec le côté sain. Si la totale confiance en son genou n’est pas retrouvée, un travail proprioceptif en charge de difficulté croissante doit être augmenté. Il ne doit pas être source de douleur ou d’épanchement réactionnel. Si tous les éléments sont réunis, un premier protocole de course à pied sera institué avec une alternance de marche et de course sur une durée d’un mois préparatoire à la reprise progressive de la course à pied. Dans le même temps, le vélo sera intensifié par des sorties tri hebdomadaire avec une augmentation de l’intensité en effectuant des exercices de type fractionnés.
De plus, un programme de musculation sera mis en place avec des exercices au niveau de la presse et des appareils ischios-jambiers. Ils seront travaillés préférentiellement en excentrique de façon à renforcer leur rôle dit de « sécurité du genou ». Durant ces activités physique, le genou ne devra être ni douloureux, ni gonflé, dans le cas contraire il faudra diminuer l’activité et ne pas hésiter à consulter en cas de persistance des douleurs.
Un test isocinétique pourra être effectué entre le 4ème et le 5ème mois de façon à évaluer un éventuel déficit par rapport au côté supposé normal.
Le test isocinétique permet de connaître :
Le moment développé à la vitesse de travail demandé.
La puissance développée.
La fatigue au travail.
Le rapport agoniste, antagoniste.
Ce qui est important en suivi de rééducation c’est de s’intéresser au rapport quadriceps-ischio-jambier. Deux conditions sont nécessaires pour obtenir un bon résultat :
Un bon équilibre quadriceps-ischio-jambier.
Une bonne récupération du quadriceps.
Ces récupérations sont importantes et il faudra utiliser le mode concentrique et le mode excentrique en fonction du sport. Ce test se fait après chirurgie ligamentaire et doit tenir compte de la cicatrisation et de la maturation du transplant. En effet, il s’agit d’une évaluation en chaine ouverte qui est responsable de force de translation antérieure au niveau du tibia lors du mouvement d’extension entre 60° de flexion et extension complète. Il est courant à ce jour de faire des pré-évaluations au 4ème mois après chirurgie ligamentaire, ce qui permettra par la suite de suivre le programme de rééducation et de renforcement musculaire par un 2ème test qui sera fait vers le 6ème mois ou plus tard en fonction du déficit.
La course à pied est possible lorsque le déficit du quadriceps ne dépasse pas 35 %, dans tout les cas il ne paraît pas logique de proposer un réentraînement du sport lorsque le déficit du quadriceps est inférieur à 25 %.
A ce jour les ratios qui sont tolérés pour une ligamentoplastie du genou :
Ratio quadriceps/poids du corps supérieur à 65 %
Ratio ischio-jambier/quadriceps supérieur à 66 % pour les hommes et supérieur à 75 % pour les femmes.
Ces ratios sont différents en fonction de la vitesse angulaire de 60°, 180°, 240°.
Cette évaluation isocinétique permet d’évaluer la rééducation et le programme de rééducation notamment le manque de force, le manque de puissance ou de résistance à l’étirement, d’anomalie.
L’objectif de cette période est d’avoir une totale confiance en son genou et de se préparer à la reprise progressive de son sport.
La pratique du sport n’est autorisée que lorsque le déficit est compris entre 20 et 40 %, un déficit supérieur à 40 % n’autorise que le vélo et la natation. La discussion se fera bien sûr sur l’activité professionnelle qui entraîne des contraintes faibles, modérées voire dangereuses. En fonction des résultats et de la motivation du sportif, une reprise progressive des sports à pivot peut être proposée à partir de six mois. Elle sera accompagnée d’un renforcement musculaire de telle façon à ce que les compétitions soient reprises, notamment pour le pivot-contact, vers le 8ème mois. Le renforcement musculaire concernera surtout les ischio-jambiers sur le mode concentrique et excentrique en course interne et le quadriceps sera renforcé en mode concentrique.
BIBLIOGRAPHIE :
Rodineau J., Besch S.
Le ligament croisé antérieur : de la rupture à l’arthrose.
30 ème journée de Traumatologie du sport.
Elsevier Masson 2012.
Malliopoulos X., Courtot H., Caudin J., Facquez T., Bouilland S., Baert D., Bouxin B., Cazenave A.
Test isocinétique précoce après ligamentoplastie antérieure de genou : résultats, conclusions.
Journal de traumatologie du sport 30 (2013) 216-219